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“objets inanimés avez-vous une âme?”

ce vers du poète Alphonse de Lamartine décrit l’ambition (déraisonnable) du musée de l’automate de Souillac

Quand on y pénètre, qu’on fait le tour des vitrines, tout porte à croire que les automates sont “un petit peu” vivants. Les regards, les gestes et les attitudes confèrent à ces personnages et animaux un “poil” d’humanité. La musique et la lumière accordent à ce musée de collection et des industries une ambiance poétique et féérique. Pour toute cette magie qu’il véhicule, et pour son caractère d’exception (c’est le plus grand musée d’automates anciens et de jouets mécaniques d’Europe), il méritait bien que l’on s’y attarde le temps d’une visite.

Comment le Musée de l’Automate a t-il vu le jour à Souillac ?
Klaus Lorenz (restaurateur du musée) :
Après avoir traversé le XXème siècle, la Maison Roullet-Descamps, l’une des grandes fabriques parisiennes d’automates du XIXème siècle, du nom du fondateur Jean Roullet et de son gendre et associé Ernest Decamps, ferme ses portes en 1995. Peu avant cette fermeture, l’Etat achète une de ses collections. Dans le même temps, le maire de la Ville de Souillac de l’époque, Alain Chastagnol, souhaitait réhabiliter un ancien entrepôt de tabac désaffecté au sein de l’abbatiale et voir y naître un projet culturel. Il trouvait l’idée bonne d’y installer un musée de l’automate. C’est comme ceci qu’en juillet 1988, la collection acquise par l’Etat fut exposée à Souillac et que le Musée de l’Automate vit le jour.

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Pouvez-vous définir ce qu’est un automate ?
K.L. :
Quand on parle d’automate, on parle forcément de mouvement. Cette mise en mouvement nécessite un moteur mécanique à remonter avec une clé pour les plus anciens, ou bien électrique pour les plus récents. Il y a plusieurs catégories d’automates: le jouet mécanique, l’automate ancien, l’automate électrique et la scène animée. Ils sont issus des micro-industries parisiennes, du quartier du Marais et sont nés dans un contexte particulier. En effet, à l’époque de leur fabrication, il n’y avait pas encore le cinéma et la télévision ! Le seul moyen de reproduire le mouvement était donc de fabriquer une mécanique qui donne “vie” à un objet.

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Qu’est-ce qui fait la richesse du Musée de l’Automate de Souillac?
K.L. :
Tout d’abord, il est l’un des deux seuls musées du genre en France ; l’autre est à Falaise dans le Calvados, les deux se complètent bien. Également, notre vocation et notre richesse sont de perpétuer l’esprit des grands fabricants d’automates. Ensuite, notre spécificité est que, parmi tous les automates électriques que l’on expose, beaucoup sont en mouvement dans les vitrines. Ainsi, le spectateur a un aperçu du fonctionnement d’un automate, comme à l’époque. Les automates mécaniques sont, quant à eux, représentés en mouvement sur des écrans vidéos et non en direct pour ne pas les abîmer. Aujourd’hui, la politique des musées est de laisser les objets immobiles, c’est une forme de pérennisation. Mais les avis sont partagés sur cette question. Selon moi, un automate qui ne marche pas se dégrade et, du coup, peut rester bloqué pour toujours. On ne saura plus quel mouvement il faisait à l’origine. C’est pareil pour tout.

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Que représentent les automates en exposition ?
K.L. :
Dans le musée, certains automates sont inspirés d’originaux vivants : ils représentent des personnes qui ont vraiment existé. Bon nombre de ces objets ont immortalisé des gens du spectacle qui se produisaient au début du XXème siècle. Ce sont des artistes de magie et du cirque avec l’illusionniste, les clowns et les  acrobates… D’autres ont été réalisés d’après des dessins et peintures d’artistes de l’époque. Les animaux, la vie quotidienne et les loisirs ont également profondément inspiré les divers fabricants d’automates, nous en avons des illustrations au sein du musée. Enfin, nous avons des grandes scènes, ce sont d’imposants ensembles animés qui se sont développés à la fin du XIXème siècle avec l’essor des grands magasins parisiens. Tout cela reflète l’idée que les automates sont fabriqués selon les modes de l’époque.

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Au total, combien d’automates sont hébergés dans le musée ?
K.L. :
Il y a facilement 300 automates.

Quel est le plus ancien automate présenté ?
K.L. :
La plus ancienne pièce de la collection est le “Petit Jardinier poussant sa brouette”. Ce petit jouet date de 1865. C’est le premier objet fabriqué en mouvement chez Roullet-Descamps. C’est aussi l’un des plus anciens jouets mécaniques  français.

Et le plus récent ?
K.L. :
“La Reine des Neiges”, une scène animée qui date de 1956. C’était une décoration de grands magasins parisiens pour les fêtes de Noël.

Quel public fréquente le musée ?
K.L. :
Tous les âges, c’est un musée familial ! Les jeunes découvrent un monde féerique, les plus âgés redécouvrent des objets de leur propre passé. Il y a aussi les parents qui amènent leurs enfants et qui s’y amusent. Il est vraiment fait pour tous les âges, tout le monde peut y découvrir quelque chose! Quand on y pénètre, on ressent une espèce de détachement du monde extérieur…On est un des musées de Midi-Pyrénées les plus visités avec environ 30000 visiteurs par an.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le travail de restauration des automates ?
K.L. :
C’est passionnant ! Il faut regarder les automates, les surveiller. Il faut  connaître énormément de techniques, de matériaux différents. En effet, dans un automate, on a de la mécanique pour les mécanismes du corps, du cartonnage, de l’habillage etc. Tous genres de techniques et de matériaux courants à l’époque entraient dans la fabrication d’un automate. Par exemple, pour déshabiller un automate, il faut savoir comment les coutures sont faites, savoir manier une aiguille et du fil etc. On découvre toujours de nouvelles techniques, enfin anciennes mais nouvelles pour nous donc on se forme. Je suis le seul restaurateur d’automates habilité par le Musée de France.

Quel est l’intérêt d’un tel musée à Souillac ?
K.L. :
De par son ancienneté et son histoire, l’abbatiale du XIIème siècle et ses vieilles pierres, la culture (entendu au sens large) était déjà à Souillac. Le Musée de l’Automate apporte quelque chose en plus, il est un complément à ce qui existait déjà. Il donne un côté festif, divertissant et attractif, notamment pour les enfants, tout en restant un lieu culturel (pour les adultes). A côté du sacré et des pierres, il y a le musée. Il contribue également à valoriser l’image de la ville car il y est étroitement lié et vice versa. Cela dynamise ce qu’il se passe dans la ville.

Eric Campot (maire adjoint chargé du développement économique et touristique, responsable du musée) : Il est notre produit phare avec l’abbatiale et le fleuve, la Dordogne. Il permet à la ville de se démarquer des autres, d’avoir une spécialisation et d’attirer les touristes.

De par son emplacement dans un département aussi touristique que le Lot, on imagine que beaucoup de touristes doivent le visiter ?
K.L. :
Oui mais pas que… Hors saison, c’est plutôt du tourisme culturel et l’été, du tourisme familial. On a également beaucoup de touristes étrangers grâce à la solide réputation que l’on a à l’extérieur.

Le musée organise le festival du Mime Automate chaque été à Souillac. Qu’est-ce qu’il s’y passe ?
K.L. :
Cette manifestation est organisée par le musée et la Ville chaque année dans le centre historique de Souillac. Il propose des animations et spectacles de rue autour du mime, de la magie. Les enfants peuvent se faire maquiller gratuitement. Lors du festival, c’est l’homme qui imite l’automate… Comme si on ouvrait la porte du musée et que tout le monde sortait ! Voilà un peu l’idée, rapprocher la ville de son musée.

Et qu’en est-il du jouet moderne ? Où se place-t-il par rapport à l’automate ?
K.L. :
Le jouet est la suite logique de l’automate. Même Descamps avait essayé de faire des fabrications de série avant la fermeture de son usine mais cela n’a pas réussi car le Japon avait déjà repris le flambeau des jouets mécaniques. Par la suite, ce dernier a été dépassé par la Chine. Le prochain pays sera peut-être l’Inde car on est dans des flots de fabrication qui se déplacent mondialement.

Peut-on dire que l’automate appartient au domaine de l’œuvre d’art plutôt qu’à celui du jouet ?
K.L. :
Aujourd’hui, on peut considérer l’automate comme une œuvre d’art. Même certains jouets actuels sont déjà dans des musées. Il y a des barbies qui sont déjà considérées comme telles ! Le statut d’œuvre d’art est déterminé par la rareté de l’objet, pas forcément par sa complexité.

Le Parc Disneyland, par exemple, dispose d’automates. En quoi sont-ils différents de ceux que vous exposez, ancienneté mise à part ?
Oui, ce sont des automates et des animations mais réalisés avec d’autres moyens. Ils sont plus récents et ont été faits sur mesure pour le Parc. Ils ne sont pas exposés comme sujet mais plutôt pour illustrer une idée, raconter une histoire. Ici, les automates parlent pour eux-mêmes alors qu’à Disneyland, ils servent à créer une attraction. Par contre, on peut imaginer qu’un jour les automates sortent du Parc Disney et qu’ils soient exposés à Souillac !

Angélique Garcia

http://www.journal-laroulotte.fr/musee-de-lautomate-souillac/

http://www.musee-automate.fr/

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